TOM UFERAS ENSEIGNANT EN DIRECTION ARTISTIQUE
Tom Uferas, diplômé de Penninghen en 2005 en Direction Artistique a retrouvé les tabourets de l’école il y a 3 ans pour y enseigner et transmettre aux étudiants de 3e année ses connaissances et la méthodologie qu’il éprouve au sein de son studio, fondé en 2010
Quel a été votre parcours depuis l’obtention de votre diplôme en 2005 ?
En sortant de Penninghen j’ai d’abord travaillé chez LM communiquer, agence fondée par Laurence Madrelle, à l’époque Présidente de l’Alliance Graphique Internationale*. LM communiquer était une agence d’une dizaine de personnes spécialisée dans la conception et la mise en œuvre d’identités et de communications de projets culturels ou urbains. Après quelques mois passés là-bas en tant que graphiste, et après un passage à Rome de presque un an en free-lance, je me suis associé avec un de mes amis et ensemble nous avons monté notre studio Tom & Léo en 2007, que nous avons géré pendant 3 ans. Situé au 5e étage d’un immeuble de la rue de Belleville, on travaillait pour plein de marques différentes. On prenait tout ce qu’il y avait à prendre, sans vraiment filtrer, on faisait aussi bien de l'événementiel et du branding pour des grosses marques que des projets plus confidentiels comme des pochettes de disque pour des petits labels parisiens. On travaillait beaucoup et on se marrait bien. En 2010, j’ai fondé mon propre studio, République Studio, où je travaille encore aujourd’hui, avec 3 à 5 collaborateurs, graphistes, typographes et développeurs.
Quel souvenir gardez-vous de vos études à Penninghen ?
C’était dur au début, surtout les deux premières années. Il faut beaucoup travailler et personnellement je dormais peu pour faire tout ce qu’il y avait à faire. Puis au bout d’un moment, tu commences à faire des choses qui te plaisent davantage et c’est vertueux. Je garde de supers souvenirs de mes études à Penninghen et quelques-unes de mes grandes amitiés sont nées ici.
Vous êtes enseignant à Penninghen depuis bientôt 3 ans. Qu’est-ce qui vous avait donné envie d’enseigner, quinze ans après l’obtention de votre diplôme ?
Gilles Poplin m’a appelé il y a 3 ans pour me proposer d’être jury de diplômes, et c’est à la suite de cela qu’ il m’a proposé d’enseigner. J’ai naturellement accepté même si honnêtement, je n’y avais pas pensé avant, alors qu’aujourd’hui j’aurais du mal à m’en passer. C’est vraiment plaisant de partager sa passion et de transmettre.
Quelle est votre approche pédagogique ?
Mon cours est essentiellement basé sur la pratique. Je distille un peu de théorie et de culture graphique mais les étudiants ont déjà des cours de graphisme et de culture artistique. Je reproduis un peu dans mes cours ce que je fais au sein de mon studio : je donne un sujet aux étudiants en leur prodiguant des conseils, en éveillant leur bon sens, en leur transmettant des références… Je les laisse travailler et réfléchir avant de revenir la semaine suivante avec une proposition. Je suis là pour leur faire faire des projets. Je pense que c’est en faisant qu’on apprend. L’exemple parfait de cette approche pédagogique est le fameux sujet du carré d’Etienne Robial : il demandait aux étudiants de faire 100 carrés de 6x6 au crayon à papier sur un carnet à petit carreaux, puis de faire 2 lignes à l’intérieur, qui se croisent mais ne se coupent pas, les possibilités sont infinies. Une fois les 100 carrés réalisés, il faut en choisir un. Et c’est bien cela le but de l’exercice ! Les étudiants se retrouvent alors avec des propositions assez similaires mais avec une identité singulière. Le but de cet exercice est de comprendre que pour faire une proposition à un client, il faut au préalable avoir fait plein d’essais afin d’être certain que ce que l’on propose est la meilleure solution, et surtout de savoir expliquer pourquoi elle fonctionne.
Quelle est votre vision de la pédagogie de Penninghen ?
La pédagogie Penninghen est la même aujourd’hui que celle que j’ai connue lorsque j’étais moi même étudiant : un maximum d'expériences, beaucoup d’implication et d’organisation. C’est une approche pédagogique faite pour permettre de trouver un équilibre entre travail, rigueur et efficacité, plaisir.
Cette quête de perfection dans les propositions faites aux clients, c’est ce que vous cherchez à transmettre à vos étudiants ?
Oui bien sûr. Et pour ça, il n’y a pas de secret, il faut travailler de manière régulière afin d’avoir la possibilité de prendre du recul sur ce que l’on fait. J’essaie de susciter la curiosité des étudiants, leur ouvrir les yeux en leur montrant des références qui parfois n’ont rien à voir avec le design graphique. La curiosité est un élément essentiel dans les métiers de la direction artistique et de la création. Si tu produis des images vides de sens, que ça ne raconte rien, alors cela n’a que peu d’intérêt. Il faut toujours bien travailler le fond avant d'attaquer la forme. Au sein de mon studio on prête attention au détail et on a le souci du travail bien fait. J’essaye de transmettre cette philosophie.
La relation et les échanges que vous avez avec les étudiants viennent-ils vous nourrir ?
Cela me permet en tout cas de verbaliser ma pratique et cela a un effet positif sur la relation que j’ai avec mes clients. Il y a finalement beaucoup de pédagogie à faire auprès de nos collaborateurs et c’est toujours important de mettre les mots justes sur notre pratique et d’expliquer ce que l’on fait, pourquoi on le fait.
Comment trouvez-vous vos clients ?
Par bouche-à-oreille la plupart du temps, par des concours publics parfois mais les gens nous trouvent également par notre site Internet ou même Instagram. On essaie de travailler notre présence sur les réseaux un minimum car c’est un élément de réassurance, un gage de qualité, mais c’est aussi chronophage et nous n’avons pas toujours le temps de mettre à jour notre site ou nos réseaux. C’est plutôt bon signe car cela signifie qu’on a toujours du travail mais c’est aussi frustrant car on a une bonne vingtaine de projets sur lesquels on n’a pas encore communiqué.
Comment vous coordonnez-vous avec vos équipes au sein de votre studio ?
Lorsque l’on reçoit un nouveau projet, je fais souvent les premiers rendez-vous avec le client. J’essaie de comprendre ce dont il a besoin, j’en regarde les grandes lignes, je réfléchis à la façon dont je l’imagine et le conçois, la couleur graphique du projet, et ensuite je mets des mots sur mes premières intuitions. Je partage cela avec mon équipe, on réfléchit tous ensemble et ensuite, en fonction du projet, j’attribue la réalisation à un ou deux des membres du studio. J’interviens beaucoup au début et à la fin, moins au milieu. Je suis très soucieux du détail. On travaille en démocratie, chacun a son domaine d’expertise et donne son avis et tout le monde a la possibilité de s’exprimer. La discussion et l’échange sont essentiels au sein du studio. Je veille à l'épanouissement de chacun et essaie de faire en sorte que les gens du studio soient heureux de venir travailler.
*AGI : L’Alliance graphique internationale
L’AGI est une association de professionnels du monde entier, unis par leur travail dans le domaine de la conception graphique qui a pour ambition de faire connaître au public par des expositions et des manifestations diverses les recherches que poursuivent à travers le monde les chefs de file de l’art graphique moderne. Elle est née en 1950 de la rencontre amicale de trois graphistes français Jean Picart Le Doux (premier président), Jean Colin et Jacques Nathan-Garamond (qui a enseigné à l’ESAG Penninghen de nombreuses années) et de deux graphistes suisses, Fritz Bühler et Donald Brun, à l’occasion d’une exposition de leurs travaux à Bâle. Les liens ont été maintenus et étendus et l’AGI est fondée officiellement le 22novembre 1952. Elle est composée actuellement de 512 membres (dont certains aujourd’hui disparus) issus de 46 pays. Parmi les membres, Roman Cieslewicz, Michel Bouvet, Peter Knapp, Etienne Robial qui ont longtemps enseigné à Penninghen.