Éric Pillault, enseignant en direction artistique
Depuis plus de 55 ans, l’école Penninghen forme les nouvelles générations de professionnels de la création. L’excellence et l’exigence se transmettent, année après année, grâce aux enseignants de l’école. Des hommes et des femmes passionnés, tous professionnels en activité et pour la plupart, passés sur les tabourets de l’école. Découvrez le portrait et la vision pédagogique d’Éric Pillault, enseignant en Direction Artistique.
Vous êtes enseignant en direction artistique et ancien étudiant de Penninghen. Qu’est-ce qui vous a donné envie de venir enseigner dans l’école où vous avez étudié ?
C’est Gilles Poplin, le directeur de Penninghen, qui me l’a proposé. J’ai commencé par donner des cours de photo. Ça m’a servi pour aller crescendo dans mes enseignements et ça m’a permis d'enseigner la direction artistique trois ans après avoir commencé à Penninghen. Je ne suis pas sûr que j’aurais réussi à enseigner la direction artistique dès mon arrivée. C’est un exercice de donner cours à des élèves.
Pourquoi avoir commencé par enseigner la photo ?
J’ai beaucoup travaillé avec des photographes à travers mon expérience en presse. Pendant plus de 20 ans, j'ai travaillé avec des photographes et des professionnels de la photographie, du stylisme, de la coiffure, de la mode…
Qu’est ce qui vous a poussé à vous orienter dans l’édition, dans ce secteur en particulier ?
Ça s’est fait naturellement. J’ai travaillé pendant 25 ans pour la presse magazine et ce n’est pas un monde si éloigné de celui de l’édition. Ça reste un support d’impression, d’édition. On a affaire à des gens qui font de la fabrication, de l’impression, parfois même à des journalistes qui font des livres. La plus grosse différence entre ces deux secteurs concerne la temporalité qui est complètement différente. Le rythme d’une maison d’édition est intense et le rythme de sortie des livres est lui très long, entre 6 mois et 1 an, alors que pour les magazines, on travaille avec des deadlines mensuelles ou hebdomadaires, c’est complètement différent.
Comment pensez-vous que ce secteur soit amené à évoluer sur les prochaines années ?
La presse et l’édition ne disparaîtront jamais. Tout comme la musique ne disparaîtra jamais, la presse ne disparaîtra jamais, la photo ne disparaîtra jamais. On n’a jamais fait autant de photos de notre vie. Ce sont les inventions technologiques et la manière de gagner de l'argent avec l’industrie qu’il y a autour qui changent. Le journalisme ne va jamais disparaître. Tous les jeunes à l’école ont envie de faire de l’édition, des magazines. Dans la presse, il y aura, à un moment donné, une invention technologique. On se dira “ah ça existe, on peut faire comme ça". Ça va prendre dix à quinze ans pour que cette évolution prenne vie.
Comment décririez-vous le métier de directeur artistique ?
Mon métier consiste à traduire un message et une idée en image, en texte et en typographie. Tout simplement. Ça s’applique à différents supports, ça peut-être une bouteille d’eau comme un magazine ou un livre, mais finalement c’est toujours la même réflexion et la réponse à cette question : “C’est quoi l’idée, c’est quoi l’histoire?”
Comment faites-vous pour ne jamais être lassé et toujours savoir vous renouveler ?
J'ai la chance d’avoir un métier où je rencontre plein de gens. Chaque demande est différente, chaque client, chaque projet. On ne peut pas se lasser.
Comment stimulez-vous votre créativité et votre réflexion ?
Moi, c’est surtout grâce au Japon. J’y trouve dans l’air qu’on y respire, dans ce qu’on y voit, dans les livres, dans la musique, une source d’inspiration. Tout m’inspire là-bas.
Comment définiriez-vous la pédagogie de Penninghen ?
C’est du travail. Je donne des cours de Direction Artistique en 5e année, c’est la dernière ligne droite pour les étudiants et leur diplôme. Notre rôle en tant qu’enseignant est de les encourager à raconter des histoires. C’est tout l’objet de leur diplôme. La question qu’on leur pose c’est : “dans quoi tu nous embarques? qu'est ce que tu nous racontes ?”. C’est ce qui nous intéresse tous. La pédagogie à Penninghen prend plein de formes. On apprend à faire les choses vite et bien. Je pense qu’ici on sait ce qu’est une deadline. Les étudiants sont préparés pour la vraie vie. La pédagogie de Penninghen passe par le fait de produire beaucoup. Ça ne veut pas dire que la quantité prime sur la qualité, mais les étudiants prennent l’habitude de faire, de produire, de livrer.
Cette capacité à se projeter sur le monde professionnel, à appréhender les attentes, les deadlines, c’est ce que vous cherchez à transmettre à vos étudiants ?
Évidemment ! C'est d'ailleurs pour ça que je fais venir des intervenants aux profils très variés, que ce soit des anciens de l’école ou pas. J’invite régulièrement dans mon cours des photographes, journalistes, relieurs, éditeurs. J’aimerais bien qu’il y ait plus de profils différents. Le but c’est de permettre aux étudiants de rencontrer des profils qu’ils vont retrouver dans la vraie vie, de leur montrer des parcours différents. Les étudiants me font des retours et ils sont très contents de ces rencontres. Les intervenants aussi d’ailleurs, c'est un exercice pour eux, ça les oblige à prendre un moment de recul, à s'arrêter et se demander ce qu’ils ont à dire, à montrer. C’est toujours bien.
Selon vous, qu’est-ce qu’un bon directeur artistique ?
Un directeur artistique devient meilleur au bout d’un certain temps. Avec les années, tu vas plus vite d’un point de vue technique. Mais il n’y a pas que la technique que les gens cherchent et attendent. Il y a un rapport humain donc je pense qu'un bon directeur artistique c'est quelqu'un qui va comprendre les attentes et qui va les dépasser. Faire un logo, c’est à la portée de plein de gens. Je ne dirais pas que c’est facile mais après cinq ans passés à Penninghen, tout le monde sait faire un logo. Ce qui va faire la différence entre deux logos, encore une fois c’est l’idée, l'histoire que tu racontes avec. C’est ça être un bon directeur artistique.
Qu’est ce qui distingue Penninghen d’autres écoles ?
Ce que je sais c’est qu’à Penninghen on dessine beaucoup et c'est très important même en dernière année, c’est dans l’ADN de l’école. Penninghen t’apprend à appréhender par la forme.
Quel conseil donneriez-vous aux futurs étudiants de Penninghen ?
Il faut s'accrocher, surtout en première année. Lorsque j’étais moi-même étudiant à Penninghen, je me souviens avoir vu des élèves tellement mauvais en dessin... Ils se sont accrochés malgré les sales notes et il ont eu un déclic à un moment donné. La technique s'acquiert. Ils ne seront peut-être jamais aussi bons que d’autres mais ce n’est pas grave, ils sont déjà très bons. En revanche, ils racontent des trucs, ils vous surprennent avec des idées qui sortent de nul part. Cette capacité tu ne peux pas la deviner les premières semaines, les premiers mois en prépa à Penninghen. Donc il faut s’accrocher.
Et aux futurs diplômés ?
Je pense qu’il faut toujours continuer à apprendre. C’est comme le permis de conduire, tu l’obtiens parce que tu as appris à conduire mais est-ce que tu sais vraiment conduire ? C’est à force de conduire que tu sais conduire et c’est partout comme ça. Donc tu as le permis de direction artistique mais il te reste tellement de chemin à faire, de choses à apprendre et de gens à rencontrer. Il faut aussi multiplier les expériences.