Anatole Szombathy De Beczko, diplômé en Direction Artistique en 2021, a choisi d'enrichir son parcours et élargir son champ de compétences à l'Institut Français de la Mode après cinq années d'études à Penninghen. Riche de cette double expérience, il a accepté de revenir sur ses souvenirs d'études et sur ses projets professionnels actuels.
Pourquoi avoir choisi d’étudier à Penninghen ?
J’ai toujours été passionné par le dessin, la mode, l’univers de luxe et le design d’espace. Ce sont ces passions qui m’ont amené vers des études d’art ainsi qu’une rencontre avec une étudiante de première année à Penninghen qui m’avait présenté ses travaux, ce qui m’a beaucoup attiré vers l’école dans un premier temps. Même si mon projet professionnel n’était pas très défini à ce moment, l’école semblait faire directement écho à ce que je voulais développer en termes de compétence pour plus tard. J’ai trouvé particulièrement intéressant le fait qu’il y ait une grande importance accordée au dessin académique et à la peinture dans le cadre des cours… Toutes les écoles ne proposent pas forcément une formation aussi complète dans ce domaine, ce que je trouve dommage. J’ai donc choisi la prépa de Penninghen dans une optique d’exploration dans un premier temps car initialement je me destinais plutôt à des études de stylisme. Lorsque j’ai découvert la brochure de Penninghen, en y voyant tous les cours proposés, je me suis dit qu’il s’agissait d’une formation qui me permettrait de déployer mes compétences, de m’exprimer créativement, et surtout de me diriger vers un objectif professionnel précis. J’ai aussi compris que je serais plus apte à travailler en image dans le secteur de la mode et du luxe si j’avais au moins une première fois abordé le design d’espace, l’image et les arts graphiques. J’ai aussi beaucoup aimé le fait que tout le monde ait sa chance d’intégrer l’école, que ça ne soit pas sur dossier. Premier arrivé, premier servi, puis le reste se gagne au mérite !
Quels souvenirs gardes-tu de ton année préparatoire en arts appliqués ?
Je garde le souvenir d’une année assez compliquée et exigeante. On travaille sur de beaux projets, on apprend le savoir-être et le savoir-faire, on nous demande beaucoup de discipline, de rigueur et de précision dans tout ce qu’on fait.
Comment as-tu réussi à choisir ton cursus en deuxième année ?
L’Architecture Intérieure m’intéressait beaucoup mais la Direction Artistique répondait plus à mon attrait de toujours pour l’image. C’est un choix qui s’est fait naturellement.
Avais-tu d'autres bagages avant d’arriver à Penninghen ?
Pas vraiment. Avant d’arriver à Penninghen, j’ai travaillé avec une styliste indépendante qui avait un webzine. On faisait du contenu, des éditos... J’ai beaucoup appris, ça m’a permis de voir comment se construisait une image, parfois une campagne, d’un point de vue stylisme et d’un point de vue opérationnel. C’était une bonne première approche.
Quels stages as-tu fait en 4e année ?
Je n’ai fait qu’un seul stage en 4e année car on était en pleine période Covid. J’ai travaillé dans une petite agence qui s’appelle 3RDMAN, spécialisée en conseil d’image et en production éditoriale. Par exemple, on réalisait le magazine « Rendez-vous » de la Maison Chaumet ou encore certains éditos pour M le Monde, on accompagnait aussi des marques dans l’élaboration de leurs planches de tendances ainsi que dans leurs productions de campagnes… Nous avons beaucoup travaillé avec les agences Art & Partners ainsi qu’Art + Commerce pour la production photographique. 3RDMAN était une agence polyvalente avec pas mal de projets différents. De mon parcours, il s’agissait de ma plus longue période passée “les mains dans le camboui”. On me faisait confiance, j’avais beaucoup d’autonomie et de liberté dans mes missions. J’ai appris à gérer mon temps comme je voulais. Mes missions et mes projets étaient divers : un jour une refonte de site, une proposition d’UX, le lendemain, un projet d’édition et vidéos pour le Mobilier National et un autre de la post-production pour des contenus vidéo de la Maison Chaumet. Comme certains d'entre nous n'avaient pu faire qu’un seul stage, un projet à mener avec une institution nous a été proposé. Dans le cadre du concours international d’architecture proposé par la fondation Jacques Rougerie, j’ai travaillé en tandem avec un élève en Architecture Intérieure..
On a eu la chance de développer un projet architectural qui répondait à la problématique de la montée des océans tout en s’inspirant du bio mimétisme. Le but était de construire le projet et le présenter au concours pour la première phase de sélection. Nous avons réalisé en binôme un complexe d’îlots flottants en bambou au Bangladesh, ce qui permettait de répondre à une problématique écologique et sociale : Comment pérenniser l’accès à l’éducation et conserver leurs structures dédiées en cas d’intempéries et d’inondation ? Nous avons été accompagnés par Anthony Fitoussi et Amélie Lebleu, respectivement architecte d'intérieur et directrice artistique, sur ce projet. Ils ont pu nous apporter leur expertise et avaient des regards très percutants. C’était la première fois que j’abordais le volume avec des contraintes techniques complexes, des livrables, des cahiers des charges et des deadlines assez serrées. Ça m’a donné une vision globale du travail sur le volume et sur l'image. C'est cette synergie qui a ouvert mon regard sur l’architecture en 4e année.
Professionnellement, que t'a apporté Penninghen ?
C’est une école qui est venue mettre au défi mon regard, qui m’a appris ce qui était important et ce qui l’est moins, à savoir faire des choix et prendre des décisions. J’ai beaucoup appris en termes de rigueur et d’organisation et ça m’est essentiel aujourd’hui pour travailler dans le luxe. Les grandes maisons ont des processus très définis et assez complexes. On apprend beaucoup sur le tas mais Penninghen apporte une expertise, forme l'œil, rend curieux, apprend à être à l’affût de certains signaux et de leur donner du sens.
Que t'ont apporté les enseignants de l'école ?
Il y a beaucoup de moments d’échanges et de dialogue avec les enseignants autour de nos projets. Ce qui est intéressant à Penninghen c’est qu’on ne nous formate pas à un esthétisme figé et impersonnel, on met plutôt certaines règles graphiques au service d’un goût personnel. Les enseignants sont vraiment à l’écoute des idées développées pour nos projets et respectueux de la sensibilité des étudiants. C’est particulièrement le cas au moment de la réalisation du diplôme.
Dessines-tu encore toujours ?
Oui toujours, par plaisir, parfois je gribouille, parfois j’y passe plus de temps. Je peins et dessine aussi bien pour moi que pour mes projets pros. Je passe le plus souvent par le dessin avant de faire une 3D, un plan ou parfois un moodboard. Dès qu’une idée me vient je passe prioritairement par le dessin.
Peux-tu nous présenter ton projet de diplôme ?
J’ai développé un projet autour du storytelling et de la photo. J’ai choisi Thomas Pieds comme maître de diplôme, qui m’a bien accompagné et m'a laissé très libre dans la réalisation de mon projet. D’abord il y a eu une phase importante de recherche durant laquelle j’ai créé des personnages un peu fantastiques qui dénonçaient les maux de notre société actuelle à travers une sorte d'ésotérisme. J’ai construit des mythes autour de la psychologie de chaque personnage, en relatant des expériences plus ou moins violentes et en les retranscrivant visuellement par le biais du portrait. Dans nos échanges Thomas Pieds il me demandait régulièrement ce que je pensais de mon travail et il cherchait toujours à interroger mon regard, ma sensibilité, avant de me faire une recommandation. C’est quelque chose qui m’est resté, il faut auditionner un projet en profondeur avant d’en sanctionner la pertinence.
As-tu rencontré des difficultés lors de la préparation de ton diplôme ?
La plus grosse difficulté a été l’organisation. Je travaillais en parallèle en tant qu'assistant studio chez un photographe. Ça m’a permis de financer une partie de mon projet mais c’était très chronophage. C’était un peu compliqué de tout gérer en même temps. L’orchestration générale pour que tout puisse s’imbriquer était exigeante.
Comment as-tu vécu la journée de jury ?
Un immense stress. J’avais développé mon projet au travers d’un storytelling bien précis et je me demandais comment le simplifier pour que ça parle aux jurys. C'était un projet difficile à “vendre”, il était important pour moi de construire un discours cohérent pour expliquer l’âme du projet, ça a été ma plus grande source de stress au moment des échanges. Finalement tout s’est bien passé. Je me souviens d’une de mes évaluatrices qui avait fait du théâtre et en lui parlant de mon approche avec mes modèles je faisais écho à son histoire avec la scène. J’ai pu lui raconter ce que j’avais investi émotionnellement lors du développement de mon projet, ce que je voulais transmettre par le biais de mon storytelling… Elle y a été sensible, elle avait une approche très humaine. La journée des jurys est un moment de dialogue privilégié, mais aussi un certain défi oratoire selon les projets et l’interlocuteur.
Après ton diplôme, pourquoi avoir poursuivi des études à l'Institut Français de la Mode ?
Penninghen m’avait formé sur l’image au sens large. L’IFM proposait une formation spécialisée dans le management de la mode et du luxe. Je voulais vraiment acquérir plus de compétences sur le plan stratégique et commercial, être formé sur chaque aspect du merchandising de mode, découvrir les enjeux liés à l'écosystème du luxe et bénéficier du réseau de l’école. C’est vraiment l’envie de me spécialiser dans l’univers luxe qui m’a motivé à intégrer cette école après Penninghen. Les deux formations sont complémentaires. Aujourd’hui je ne pourrais pas faire ce que je fais si je n’avais pas fait Penninghen et l’IFM. C’est la fusion de ces deux formations, de tout ce que j’ai appris à Penninghen en termes d’images, en termes de volumes et avec cette approche luxe que j’ai eu à l’IFM qui m’a permis d’avoir cette direction professionnelle.
Que fais-tu aujourd’hui ?
Je suis “chargé de projet création vitrines et façades” chez Chanel. J’interviens après le lancement d’une collection pour développer et définir en équipe un concept fort et pertinent. Nous faisons plusieurs propositions créatives qui partent soit du vêtement, des matières, du set du défilé, ou encore des références iconographiques du studio, que nous soumettons ensuite à notre direction. Une fois le concept validé, nous passons le relais aux chefs de projet développement, pour faire le suivi fournisseur avec eux et vérifier la correcte traduction de notre concept dans la guideline qui sera ensuite communiquée aux marchés à l’international. Il y a aussi une partie « discours » gérée par le pôle narration de notre département, qui vise à résumer notre intention créative. On travaille beaucoup en équipe Chez Chanel, il y a un vrai sens du collectif, pour s’assurer que le « fil rouge » que nous étendons ait le plus de sens possible. Le collectif, c’est quelque chose qu’on apprend vraiment à développer en cinquième année à Penninghen et c’est primordial pour nos corps de métiers en image. Moi par exemple, au pôle “architecture vitrine” je ne pourrais pas travailler sans le pôle “production d’image” ou sans le pôle “visual merchandising”. J’ai eu ce poste en sortant de stage de fin d’étude, je voulais retourner vers quelque chose de plus créatif et assez cohérent par rapport à ce que j’avais fait auparavant chez Dior, qui relevait plus de l’opérationnel, à savoir de la coordination entre le siège, les départements Visual merchandisings et les marchés à l’étranger.
Est-ce que ton poste te donne l’occasion de te renouveler régulièrement ?
Tout dépend des collections, parfois il peut y avoir des semaines très répétitives mais globalement les projets sont divers et variés, et avec le rythme on a pas le temps de s’ennuyer. J’ai aussi la chance de travailler sur des projets de vitrines pour des Maisons d’Arts de Chanel, qui mettent chacune en avant un savoir-faire bien spécifique, endémique à la Maison. Sur ces projets j’ai davantage carte blanche que pour les projets Chanel qui sont très cadrés.
Comment s’est passé ton processus d'intégration chez Chanel ?
Ça s’est très bien passé, ils ont été très accompagnants. J’ai la chance d’avoir un manager avec qui la communication est super horizontale, il y a beaucoup d’échanges, de dialogue, de respect des idées, c’est très très fluide. Par ailleurs, la Maison met en place des moments d’échanges pour faciliter l’intégration dans les équipes, se rencontrer, découvrir ses codes et ses valeurs de la Maison. J’ai été très agréablement surpris car les équipes sont respectueuses et à l’écoute.
Ce poste te permet-il de libérer ta créativité ?
J’arrive à exprimer ma créativité et à la libérer mais je sais me raisonner et la mettre au service d’une attente bien spécifique. C’est ce qu’on m’a appris à Penninghen : avoir de la créativité et la développer tout en sachant placer le curseur entre ce que l’on veut développer créativement et ce qu’attend le client. Savoir être force de proposition et utiliser son univers personnel pour nourrir la demande client, trouver ensemble un langage commun.